Brice

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La nature

C’est beau la nature. J’entends le bruissement du feuillage, et je sens cette écume marine. Non loin se trouve une cascade. La nature fait bien les choses. (Brice)

La droite

Je suis,  verticale ou horizontale.

Je suis maigre comme une allumette

J’en ai assez,  d'être tracée ainsi

Plus maigre qu’une cigarette

Je ne suis qu’une misérable droite.

(Brice)

Biographie de Paul Eluard

Après une enfance heureuse, il est atteint de tuberculose à dix-sept ans et est contraint d'interrompre ses études. En Suisse, au sanatorium de Davos, il rencontre Helena Diakonova qu'il surnommait Gala. Il l'épouse en 1917 et commence à écrire ses premiers poèmes. En 1918, Jean Paulhan le découvre et l'assistera toute sa vie. Présenté à André Breton et Louis Aragon avec lequel il entretiendra toute sa vie une relation extrêmement profonde aussi conflictuelle (notamment autour du communisme) que prolifique, mais toujours riche, il entre dans le groupe dadaïste à Toulon. Sa contribution au Dadaïsme commence avant l'avènement du Dadaïsme à Paris puisqu'alors que Tzara est encore à Zurich, tous deux mettent au point 4 papillons (Éluard en rédige un) qui seront diffusés dans la ville à 1000 exemplaires chacun.

Après une crise conjugale, il entreprend un tour du monde qu'il achève en 1924. Ses poèmes de l'époque (L'Amour la poésie) témoignent d'un passage difficile : rechute tuberculeuse et séparation d'avec Gala, qui est devenu l'égérie de Salvador Dali à l'occasion de vacances communes des deux couples dans la propriété des Dali à Cadaques, dont de nombreuses photographies ornant notamment l'une des pièces de cette demeure aujourd'hui transformée en musée témoignent.

En 1926, il publie "Capitale de la douleur" qui le sacre comme l'un des poètes de tout premier plan. Dans ce recueil figure notamment La courbe de tes yeux... :

La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu,
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.
Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,
Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leur regard.

En 1933 se profile une "crise" avec son exclusion du parti communiste français auquel il avait adhéré en 1926, avant de se rallier au parti communiste clandestin en 1943, 10 ans après et en pleine Seconde Guerre mondiale. En 1934, il épouse Nush, modèle de Man Ray et de Pablo Picasso, « l'égérie, la mascotte, la femme des Surréalistes ». Des désaccords politiques l'éloignent du groupe des surréalistes (1938). Pendant la dernière guerre mondiale, il est mobilisé et mène une activité résistante. C'est surtout avec les mots qu'il a décidé de lutter et son poème Liberté (1942), dont le génie consiste à faire émerger d'un poème d'amour léger et sublime un cri de protestation et d'engagement (ce que l'auteur lui même raconte avoir ressenti comme une nécessité à l'écriture de ce texte qui se destinait au départ à n'être qu'un poème d'Amour sans valeur transcendentale particulière) et le force à entrer dans la clandestinité. Son écriture aborde dès lors plus radicalement des thèmes militants et engagés, à laquelle l'extrême concision formelle qu'il adopte dès lors donne plus d'impact encore.

Péri Gabriel
Journaliste et homme politique
né à Toulon (1902-1941)

Lettre d'adieu de Gabriel Péri

Dimanche 20 heures

Très chère Amie,

L'aumônier du Cherche-Midi vient de m'annoncer que je serai, tout à l'heure, fusillé comme otage. Ce sera le dernier chapitre du grand roman de cette époque.

Grande amie, veuillez recevoir le dépôt de quelques volontés somme toutes sacrées.

C'est vous qui annoncerez à Mathilde que je suis mort la tête haute. Dites-lui que j'ai eu un repentir : celui de ne lui avoir pas toujours fait la vie sérieuse qu'elle méritait. Mais dites-lui de porter fièrement le voile de veuve.

Qu'elle élève ma petite nièce dans l'esprit où son oncle a vécu.

Voyez très rapidement mon amie [Sofia Jancu]. Qu'elle soit la dépositaire intellectuelle de ma mémoire comme elle a été ma grande conseillère. Je la supplie de me continuer.

Je vous supplie de réclamer au Cherche-Midi les affaires que j'ai laissées. Peut-être quelques-uns de mes papiers serviront-ils à ma mémoire. Que mes amis sachent que je suis resté fidèle à l'idéal de toute ma vie ; que mes compatriotes sachent que je vais mourir pour que vive la France. Une dernière fois, j'ai fait mon examen de conscience : il est très positif. C'est cela que je voudrais que vous répétiez autour de vous. J'irais dans la même voie si j'avais à recommencer ma vie.

J'ai souvent pensé, cette nuit, à ce que mon cher Paul Vaillant­ Couturier disait avec tant de raison, que le communisme était la jeunesse du monde et qu'il préparait des lendemains qui chantent.

Je vais préparer tout à l'heure des lendemains qui chantent.

Sans doute est-ce parce que Marcel Cachin a été mon maître que je me sens fort pour affronter la mort.  

Adieu et que vive la France !

Gabriel

Le groupe Manouchian

Missak Manouchian est né dans une famille de paysans arméniens du village d'Adyaman en Turquie. Enfant il perd son père, probablement tué par des militaires turcs lors du génocide arménien. Sa mère meurt quelques temps après, victime de la famine qui suivit. Il est alors recueilli, avec son frère Karabet, dans un orphelinat du protectorat français de Syrie. En 1925, ils débarquent à Marseille où Missak exerce le métier de menuisier qu'il a appris à l'orphelinat. Puis les deux frères remontent sur Paris où Karabet tombe malade. Missak se fait alors embaucher aux usines Citroën comme tourneur, afin de subvenir à leurs besoins. Karabet décède en 1927 et Missak sera licencié au moment de la grande crise économique du début des années 30. Il gagne alors sa vie en posant pour des sculpteurs. Missak écrit des poèmes et avec son ami arménien Semma, il fonde deux revues littéraires Tchank (l'Effort) et Machagouyt (Culture), où ils publient des articles concernant la littérature française et arménienne et traduisent Baudelaire, Verlaine et Rimbaud en arménien. À la même époque, Missak et Semma s'inscrivent à la Sorbonne comme auditeurs libres et y suivent des cours de littérature, de philosophie, d'économie politique et d'histoire

Au moment de la guerre de 1939-1940, il semble qu'en tant qu'étranger, il ait été affecté dans une usine de la région de Rouen. Mais rentré à Paris, après la défaite de juin 1940, il reprend ses activités militantes, devenues illégales, puisque le parti communiste est interdit depuis septembre 1939. Il est arrêté au cours d'une rafle anticommuniste avant le 22 juin 1941, date de l'invasion de l'URSS par les Allemands. Interné au camp de Compiègne, il est libéré au bout de quelques semaines : aucune charge n'étant retenue contre lui. Il devient alors responsable politique de la section arménienne clandestine de la MOI dont on ne connaît guère l'activité jusqu'en 1943. En février 1943, Manouchian est versé dans la FTP MOI, groupe des Francs-tireurs et partisans - Main-d'œuvre immigrée de Paris, groupes armés constitués en avril 1942 sous la direction du juif bessarabien Boris Holban. Le premier détachement où il est affecté comporte essentiellement des juifs roumains et hongrois et quelques Arméniens. Le 17 mars, il participe à sa première action armée, à Levallois-Perret, mais son indiscipline lui vaut un blâme et une mise à l'écart.

En juillet 1943, il devient commissaire technique des FTP-MOI parisiens. En août, il est nommé commissaire militaire des FTP-MOI parisiens, à la place de Boris Holban qui avait été démis de ses fonctions pour raisons disciplinaires. Joseph Epstein, responsable d'un autre groupe de FTP-MOI, était devenu le responsable de l'ensemble des FTPF de la région parisienne. Il est donc le supérieur hiérarchique de Manouchian qui a sous ses ordres trois détachements soit au total une cinquantaine de militants. On doit mettre à son crédit l'exécution, le 28 septembre 1943, du général Julius Ritter, adjoint pour la France de Fritz Sauckel, responsable de la mobilisation de la main-d'œuvre dans l'Europe occupée par les nazis. Les groupes de Manouchian accomplissent près de trente opérations en plein Paris d'août à la mi-novembre 1943.

La Brigade spéciale n° 2 des Renseignements généraux avait réussi deux coups de filet en mars et juillet 1943. À partir de là, elle put mener à bien une vaste filature qui aboutit au démantèlement complet des FTP-MOI parisiens à la mi-novembre avec 68 arrestations dont Manouchian et Joseph Epstein. Manouchian est arrêté à Évry Petit-Bourg. La compagne de Manouchian, Mélinée, parvient à échapper à la police. Missak Manouchian, torturé, et vingt deux de ses camarades sont livrés aux Allemands qui exploitent l'affaire à des fins de propagande. La fameuse Affiche rouge, placardée à 15 000 exemplaires, le présente en ces termes : "Manouchian, Arménien, chef de bande, 56 attentats, 150 morts, 600 blessés". Les vingt-deux hommes furent fusillés au Mont-Valérien le 21 février 1944. Olga Bancic fut décapitée à la prison de Stuttgart le 10 mai 1944.

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